Nous sommes nombreuxses à nous insurger face à la loi inhumaine contre les migrant.e.s (et non pas contre l’immigration, dans les faits) qui vient d’être votée. La colère est à nos côtés, mais elle l’est plus encore au vu du discours de certain.e.s qui se prétendent nos allié.e.s.
Quelques arguments reviennent en boucle pour dire à quel point cette loi est nocive. Parmi eux, “Marie Curie était une immigrée, aujourd’hui, elle n’aurait pas pu…”, ce qui est probablement vrai. Néanmoins, est-ce là le problème réel ? Passer à côté d’un.e futur.e prix Nobel ? N’est-ce pas plutôt l’inhumanité que la loi porte en elle ?
Lorsque l’on fait remarquer la nullité de cet “argument” pour défendre les migrant.e.s, on nous rétorque que c’est un des rares qui peut convaincre les centristes, qu’il faut s’adapter à leur rhétorique. Alors disons-le, cette loi n’est pas rationnelle, mais idéologique. Elle est sous-tendue par un nationalisme organique.
Pourquoi transférer le débat sur un terrain utilitaire, songer à des humain.e.s comme à un potentiel à exploiter ? Tiens, cela rappelle l’argument de “l’enrichissement”. Comment refuser des migrant.e.s alors qu’iels peuvent nous apprendre à jouer des instruments inconnus ou cuisiner du couscous (passons l’orientalisme latent) ?
D’ailleurs, la rhétorique de l’enrichissement se retrouve facilement dans son pendant raciste, le grand remplacement.
Apprécier que des personnes cuisinent un mafé n’est pas l’argument qui justifie leur présence sur le sol français. À gauche, on ne devrait pas avoir pour argument “l’enrichissement”. Avoir envie de “créoliser” n’a pas grand-chose à voir avec l’humanité et la solidarité.
Revenons-en à Marie Curie. Il y a peu de chances que cet argument touche quelconque raciste. On vous rétorquera les attentats terroristes. Mais imaginons que les droitard.e.s se disent soudain “mais oui, qu’est-ce qu’on est bêtes, on passe à côté de talents à exploiter”, quelle serait la conclusion ? Exiger des diplômes et un ridicule test de QI aux personnes qui fuient la souffrance ? N’accueillir que des gens qui ont le potentiel d’enrichir leur si chère France ?
Mais on vous laisse mourir dans la Méditerranée si vous n’êtes pas allé.e.s au lycée.
Et voici que la “gauche” se vautre dans l’idéologie du mérite et la perception des êtres humains comme d’une ressource. Vouloir des migrant.e.s qui travaillent là où les français.es ne veulent plus le faire, pour des salaires de misère ou dire qu’on passe à côté de grand.e.s universitaires, ça n’est pas si éloigné.
“Regardez, il y a quand même des bon.ne.s immigré.e.s qui travaillent soixante heures par semaine pour s’intégrer !”… “Regardez, il y a des immigré.e.s qui peuvent être très intelligent.e.s et être pour la France une fierté !”
Outre l’enrichissement et l’exploitation d’autrui, la notion de mérite sous-tendue par cet argument n’est qu’un mythe de notre système, un très bon outil de tri qui se soucie peu de l’humanité et de la dignité humaine, des souffrances endurées, des menaces encourues, de l’empathie, de la solidarité et puis juste de toutes les valeurs que, nous, nous défendons.
Les migrant.e.s ne nous doivent rien, bien que le fait qu’iels ne soient pas né.e.s sur le sol français de parents français fait dire l’inverse à certain.e.s. Si nous exécrons cette loi, ça n’est pas par peur de ne pas avoir de baklavas ou de cours de danse latine, ça n’est pas parce que nous regrettons que la France passe à côté d’un enrichissement potentiel. C’est parce que nous avons des convictions que nous ne nierons pas sous prétexte de faire changer d’avis de fascistes “centristes”.
Et ces convictions nous disent que mur par mur et pierre par pierre, il faut détruire les frontières.
Notre humanité, nos solidarités et nos luttes n’ont rien à faire d’une communauté nationale imaginée et imaginaire.
Peu importe son potentiel, personne n’est illégal sur cette Terre.